Colloque sur le problème algérien :
Pour la première fois, depuis le début de la guerre d’Algérie, Français, Algériens et Tunisiens ont confronté dimanche dernier à Tunis leurs points de vue qui, comme l’affirme la motion votée, se rejoignent. A savoir : Reconnaissance de la vocation de l’Algérie à l’indépendance, condition première d’un cessez-le-feu.
Entrant dans le cadre de la Semaine de Solidarité avec les étudiants algériens, ce colloque, qui s’est déroulé à la Bourse du travail, était organisé par l’U.G.E.T. et l’U.G.E.M.A. Y participaient autour de M. Belkhodja, Secrétaire général de l’U.G.E.T. menant les débats : Mr Boumendjel, le Dr Fanon, M. Jean Amrouche, le Dr Burnet, MM. De Montéty, Le Rolland Camelléri, Spitéri M. Dresch, Professeur à la Sorbonne, de passage à Tunis ainsi que M. Mamouri, Secrétaire général des Jeunesses Destouriennes et notre confrère Mohamed Ben Smaïl.
Dans l’assistance, on notait de nombreux Tunisiens dont M. Béchir Bouali, représentant le Président Farès, des Algériens ainsi que des français pour la plupart adhérents du mouvement de Libre Coopération.
Véritable prélue d’une conférence franco-nord-africaine, nous retiendrons de ce colloque le désir exprimé par tous, qu’ils soient Algériens, Français ou Tunisiens, de voir s’instaurer en Algérie puis dans toute l’Afrique du Nord une coexistence, une collaboration de tous les éléments ethniques y vivant.
Mais avant cette coexistence, il y a la guerre d’Algérie qui vient d’entrer dans sa quatrième année et qui, comme le soulignait récemment le Président Bourguiba, se prolongera tant que persistera, entre les deux pays, un sentiment de méfiance.
C’est autour de cette méfiance et de la propagande de « mystification » déployée pour influencer, à l’égard du problème algérien, l’opinion publique française que l’on peut situer les thèmes des interventions des participants français à ce colloque.
De l’exposé de Me Boumendjel, notons simplement un support de faits succinct et qui, pourtant, explique amplement la méfiance du peuple algérien à toute conversation qui ne serait pas précédés de la reconnaissance de l’indépendance algérienne.
Signalons que Me Boumendjel a tenu au début de cette réunion, à préciser qu’il prenait la parole à titre personnel.
La motion :
Ci-dessous le texte de la motion votée :
Dans le cadre de la nouvelle semaine de solidarité avec les étudiants algériens, l’Union Générale des Etudiants Tunisiens et l’Union Générale des Etudiants Algériens ont organisé un colloque le 10 Novembre 1957 à la Bourse du travail de Tunis.
Après un ample échange de vues la motion suivante a été adoptée : « Des Tunisiens, des Français de Tunisie et des Algériens réunis en colloque le 10-11-57.
Après avoir exposé longuement leurs points de vue :
Ont constaté l’intérêt de telles rencontres. Ils sont persuadés que ces confrontations sont susceptibles de créer un climat favorable à une compréhension réciproque.
Les français de Tunisie.
Ayant vécu sous le régime du Protectorat, ayant assisté à l’évènement de l’indépendance,
Par ailleurs, ayant vécu et organisé leurs activités professionnelles dans le cadre d’une Tunisie indépendante.
Témoignent que l’accès à l’indépendance qui avait suscité tant d’appréhension, n’a pas empêche une coexistence pacifique et une collaboration loyale et fructueuse entre les éléments ethniques en présence. S’adressent aux Français d’Algérie et leur font part d’une telle expérience en leur exprimant l’ardent désir d’une réconciliation nécessite à l’œuvre immense qui attend l’Algérie libre de demain.
Le colloque
« Considèrent que les effort pacifiques déployés depuis plusieurs années par le peuple algérien pour résoudre son problème national ont échoué.
Qu’une guerre sans répit ravage le pays depuis trois ans, causant le mort de plusieurs dizaines de milliers d’Algériens et de Français ; qu’un régime de répression et d’atrocités sanglantes a contraint des dizaines de milliers de réfugiés à quitter le sol natal.
Considérant que la guerre d’Algérie est une menace pour la paix en Afrique du Nord et dans le monde.
Le Colloque
Affirme que la reconnaissance de l’Indépendance de l’Algérie est la condition première du cessez-le feu et d’une négociation portant sur l’organisation et la coopération entre la France et l’Algérie.
En conséquence :
Il demande la cessation des hostilités et l’ouverture des négociations.
Le colloque est persuadé par ailleurs que la coopération entre la France et l’Afrique du Nord n’est possible que dans le contexte d’un Maghreb indépendant.
A dix heures trente, M. BELKHODJA, secrétaire général de l’UGET qui préside, déclare le colloque ouvert.
Il souligne tout d’abord le succès de la semaine de solidarité avec les étudiants algériens qui a « dépassé la simple solidarité pour devenir une étroite communion des cœurs ».
« Nous tenons à clôturer cette semaine, déclare-t-il en substance en réunissant autour d’une même table des personnes de bonne volonté, françaises, algériennes et tunisiennes, qui pourront échanger leurs points de vue et ainsi contribuer à un rapprochement.
« Pourquoi la guerre d’Algérie ? »
« Pourquoi le sacrifice de tant de jeunes ? »
« Un réveil de conscience s’impose ».
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